l'erreur dans l'apprentissage des langues

pédagogie

Introduction

Pour les enfants en francisation, apprendre, c’est prendre le risque de faire des erreurs, à tout moment. Pour éviter les erreurs, les élèves se limitent d’abord à une syntaxe très simple, sans prendre le risque de s’aventurer au delà. Et puis, un beau jour, si le climat est propice à la prise de risque, ils s’aventurent à essayer de nouvelles structures. Ils feront sans doute encore des erreurs, mais ce sera un signe de progrès. L’erreur n’indique-t-elle pas un apprentissage qui est en train de se faire? En effet, de même que, selon le proverbe, c’est en forgeant que l’on devient forgeron, c’est en parlant que l’on apprend à parler et en écrivant que l’on apprend à écrire.
Comment envisager l’erreur? Peut-on mettre en évidence des types d’erreurs? Comment mettre à profit l’erreur?

L’erreur : des conceptions pédagogiques différentes

À l’école, l’erreur est souvent considérée comme une faiblesse à éviter à tout prix, comme la trace d’un échec, alors qu’en dehors de la classe, dans les sports ou les jeux sur ordinateur, par exemple, elle est perçue comme une étape positive, comme un défi faisant partie du progrès, comme une occasion de se dépasser.

Dans les apprentissages langagiers et, plus largement, scolaires, pourrait-on envisager l’erreur dans une perspective positive et la considérer comme une trace d’apprentissage, qui indique là où l’élève est dans son apprentissage, ce qu’il a compris?

Un bref survol historique montre que les conceptions pédagogiques de l’erreur ont évolué, selon que l’on envisage l’apprentissage comme un produit (faute) ou comme un processus (étape d’apprentissage) :

selon l’approche transmissive, l’erreur est une faute inacceptable car elle constitue un manquement à une norme : elle doit être éliminée;

selon l’approche béhavioriste, l’erreur est également vue comme une faiblesse : elle constitue un défaut qu’on doit prévenir au niveau de la planification pédagogique, afin de l’éviter en prenant des mesures préventives;

enfin, selon l’approche constructiviste, l’erreur acquiert un statut beaucoup plus positif : les erreurs commises ne sont plus des fautes regrettables, elles deviennent des symptômes intéressants qui indiquent les processus intellectuels en jeu dans les apprentissages et qui méritent d’être analysés. Il s’agit, pour l’enseignante et pour l’élève, de trouver la logique derrière l’erreur et d’en tirer parti pour améliorer les apprentissages. Reconnaître une erreur et sa cause est une manifestation d’apprentissage. Chaque fois qu’un élève se risque à essayer un mot nouveau ou une nouvelle structure, qu’il commet une erreur et qu’il tente d’en identifier la cause, seul ou aidé de l’enseignante, il y a apprentissage.


Quelques types d’erreurs

On peut classer les erreurs en divers types selon leurs causes. Voici quelques types d’erreurs parmi les fréquentes :
 

Erreurs imputables à l’interférence avec la langue anglaise

Exemples :
I am hungry — Je suis faim
I am 12 — Je suis 12
You look like my sister — Tu regardes comme ma sœur
She sleeps in her bed — Elle dort sur sa lit
I know this boy — Je sais ce garçon

 

Erreurs imputables à des surgénéralisations

Certaines erreurs résultent d’une généralisation d’une règle bien comprise dans un contexte à un autre contexte où cette règle ne s’applique pas.

Exemples :
Ils attendent — Ils attendaient
Ils courent — Ils couraient
Ils sont — Ils sontaient

La forme verbale « sontaient » résulte d’une surgénéralisation de la règle de formation morphologique de l’imparfait. Il est intéressant de noter que des erreurs de ce type sont faites par des élèves, quelle que soit leur langue première semble-t-il, et que le jeune enfant fait la même erreur dans l’apprentissage de sa langue maternelle. L’hypothèse avancée est la suivante : l’apprenant applique une règle du système linguistique de la langue cible déjà maîtrisée dans une autre situation, mais cette fois-ci la règle qu’il a déduite ne s’applique pas, c’est une exception ou une situation irrégulière.

 

Erreurs imputables à des créations spontanées

Certaines erreurs sont des formes produites, non pas à partir d’un modèle connu de l’apprenant, mais plutôt pour pallier l’absence de la forme correcte par une autre plus immédiatement disponible ou encore par pure invention.

Exemples :
Quand j’ai tout petit, je ne parle pas français.
Mon papa et ma maman aller en ville.
Elle donne un visage de sourire.

Les deux premiers exemples d’erreur peuvent être interprétés comme la mobilisation par l’apprenant de formes disponibles pour communiquer un message. Le dernier exemple d’erreur peut être interprété comme un indice des risques que prend l’apprenant, lorsqu’il utilise la langue qu’il est en train d’apprendre.

Il existe d’autres types d’erreurs qui ne sont pas spécifiquement liées à l’apprentissage d’une langue (p. ex. : erreurs liées aux opérations intellectuelles, erreurs causées par la fatigue, par l’énervement ou par une complexité excessive du contenu).

Comprendre et analyser les erreurs

Il faut sans doute comprendre que les erreurs se produisent de façon systématique, souvent à partir d’une règle que l’apprenant s’est forgée. Les erreurs révèlent que l’élève est en train d’apprendre une langue, de découvrir son fonctionnement, bref elles font partie du processus d’apprentissage. C’est à partir de l’analyse des erreurs qu’il est possible de savoir où en est l’élève dans son apprentissage et de l’aider à faire des progrès.

Quand l’élève apprend, il teste un nouvel « outil » (une règle) dans une situation nouvelle. Cela représente un risque, car il ne connaît pas encore les limites à la règle qu’il utilise et ne sait pas qu’il y a peut-être des cas particuliers, des exceptions. Dans ce cas, l’erreur peut révéler les stratégies d’apprentissage de l’élève. L’enseignante peut ainsi découvrir le cheminement qu’il a suivi pour arriver à cette erreur, donc mettre en évidence non pas seulement la faiblesse qui l’a causée, mais aussi la force qui se cache derrière. L’élève a tenté d’appliquer une règle, mais laquelle?

L’étape suivante est de permettre à l’élève d’observer d’autres exemples, de faire de nouvelles hypothèses et de raffiner la règle qu’il s’était formulée.

En participant à l’analyse des erreurs, l’élève pourra ensuite développer des stratégies d’autocorrection afin de réduire le nombre d’erreurs, surtout celles qui nuisent à la compréhension du message.

Corriger les erreurs

Les principes suivants devraient orienter les interventions visant la correction des erreurs :

ne pas corriger quand l’élève s’exprime; différer le moment de l’intervention correctrice est une règle fondamentale si l’on ne veut pas brimer l’élève;

pour être efficace, la correction doit se faire de façon sélective, suivie, cohérente et systématique;

les erreurs qui devraient recevoir le plus d’attention sont celles qui reviennent régulièrement, fréquemment, dans plusieurs contextes et qui risquent par le fait même de se fossiliser :

celles qui mettent en danger la communication (souvent au niveau du lexique et de la prononciation);

celles qui sont susceptibles d’irriter l’interlocuteur;

celles qui reflètent un besoin immédiat de nouvelles formes linguistiques;

celles qui sont liées aux objectifs d’une activité en cours;

la situation d’apprentissage oriente l’intervention correctrice : celle-ci sera différente si l’élève est engagé dans une activité communicative qui vise à développer l’aisance ou si l’élève est engagé dans une activité qui vise la précision linguistique;

l’intervention correctrice doit être limitée en nombre et adaptée au niveau des connaissances des élèves;

une intervention correctrice qui conduirait, même involontairement, à humilier l’élève qui fait une erreur risque d’anéantir chez celui-ci la spontanéité et le goût du risque, deux conditions essentielles à l’apprentissage d’une langue.


Quant aux techniques de correction, celles qui semblent les plus efficaces sont dans l’ordre :

l’autocorrection;

la correction par les pairs;

la correction indirecte (p. ex. : faire produire la forme souhaitée à l’aide d’indices);

la correction systématique par l’enseignante.


Remarques conclusives

Envisagées comme des traces d’apprentissage, les erreurs peuvent être mises à profit et aider à constituer des activités d’apprentissage riches et significatives. Lorsque l’élève comprend ses erreurs, il devient plus conscient de ses stratégies d’apprentissage. Parallèlement, l’enseignante prend conscience de son attitude face à l’erreur et des modalités de ses interventions correctrices.
« Si, comme l’a si justement dit quelqu’un, “mieux vaut l’erreur que le silence”, il est aussi vrai qu’entre le silence et l’erreur, il y a place pour une correction constructive, positive et suivie. » (Calvé, 1992, p. 467)

Sources consultées

CALVÉ, P. « Corriger ou ne pas corriger, là n’est pas la question », La Revue Canadienne des langues vivantes / The Canadian Modern Language Review, vol. 48, no 3, p. 458-471, 1992.

MARQUILLÓ LARRUY, M. L’interprétation de l’erreur, Paris, CLE International/VUEF, 2003.

MORISSETTE, R. Accompagner la construction des savoirs, Montréal,
Chenelière/McGraw-Hill, 2002.

Pour en savoir plus

ASTOLFI, J.-P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF éditeur, 1997.

Cet ouvrage retrace l’évolution de la conception pédagogique de l’erreur. Autrefois objet d’une sanction, les erreurs sont désormais considérées comme des indices pour mieux comprendre les processus d’apprentissage des élèves. Sans nier que des erreurs liées à l’inattention ou au désintérêt existent, l’auteur montre avec précision qu’il est possible de s’appuyer sur les erreurs commises pour mieux intervenir pédagogiquement. Mettre l’erreur au cœur des apprentissages conduit à questionner le sens des activités scolaires.

source

http://www.francisation.cmec.ca/inc/info/erreur.htm

 

 

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